jeudi 26 juillet 2012

Avec tout le respect que je vous dois...

Je suis quelq'un de très à cheval sur la politesse, le respect, la civilité, la courtoisie et la considération à l'égard des autres et j'ai personnellement beaucoup de mal à supporter les gens dénués de ces qualités qui constituent pourtant le socle du savoir-vivre et sont la base d'une vie en harmonie avec les autres. Pourtant, je fais malheureusement partie de ces personnes qui, face à ces gens au comportement goujat, subissent et se taisent par crainte d'une réaction violente. J'ai eu d'ailleurs à vivre plusieurs fois cette situation, et au final, c'est un certain fatalisme qui s'installe car si la réponse de l'autre n'est pas la violence, elle est bien souvent l'indifférence, le mépris ou un désintérêt total de ce que vous dites, voire de ce que vous êtes.

J'ai justement lu récemment, un article sur ce sujet. En fait, il s'agit à la base d'une chronique radiophonique diffusée sur France Culture en octobre dernier, où, pour résumer le propos, la question est : l'Etat doit-il édicter des lois afin que la civilité soit respectée par tous, et de fait, l'Etat doit-il sanctionner ces incivilités ? Pour fonder son argumentaire, l'auteur part de l'affiche d'une campagne de la RATP dont le but est de sensibiliser les usagers des transports en commun au respect d'autrui.

Certains passages de cette chronique m'ont foncièrement interpellée car criants de vérité et reflétant parfaitement ma pensée profonde en la matière.

Morceaux choisis :

"[...] Bref, l'affiche veut nous montrer une société dans laquelle le provocateur est inconscient, à mille lieues donc de toute idée de déclarer la guerre au bourgeois ; les passagers, de leur côté n'ont qu'une peur : que s'ils interviennent, la situation ne se dégrade en violence.

[...] Or quelle intervention est possible, dès lors que, par définition, les règles de civilité sont des codes non écrits ? Ce sont des modèles de comportement auxquels, par accord tacite, les peuples se conforment au fil des générations, en fonction de leur culture, dans le but de civiliser les moeurs.

[...] La civilité est en crise, parce qu'on a oublié qu'elle repose sur des codes non écrits, et parce que l'Etat est allé beaucoup trop loin dans la création de règles de droit destinées à protéger les citoyens contre les conflits, voire contre eux-mêmes. Dans le premier tiers du XIXè siècle, Alexis de Tocqueville avait prévu la situation présente en suggérant que la protection de l'Etat contre les aléas de la vie rendrait de plus en plus difficile l'intériorisation par les citoyens des responsabilités qui leur incombent, et qui sont la condition du respect d'autrui.

[...] En fait, la sanction des incivilités ne doit pas venir de la loi, mais des moeurs. Elle doit procéder de la réprobation publique. Loin de moi de vouloir autoriser les citoyens à se faire justice eux-mêmes. Mais la réprobation immédiate et active des incivilités, qui sont présentes partout, doit être présente partout. Aux passagers hésitatns des métros et des bus, comme aux directeurs d'écoles et aux dirigeants administratifs, j'oserai dire, recourant à un vocabulaire à la mode : peu importe que l'incivilité soit le fait d'un dominant ou d'un dominé, si vous voulez arrêter la vague de mépris de l'autre qui subvertit la vie en société, indignez-vous !

[...] Le traitement de ces actes relève, selon moi, de l'effort éducatif mené à l'école, depuis la maternelle jusqu'au lycée. Et il relève de manière plus générale, des citoyens eux-mêmes.

[...] Dès lors que les règles de la civilité font partie des moeurs et non des lois civiles, il appartient aux citoyens de donner l'exemple, d'abord, et d'obliger au besoin le provocateur à corriger sa conduite. Quitte à faire appel à la force publique dans le cas, assez peu probable, où l'incivilité se commuerait en un acte de délinquance. De même est-ce aux riverains, aux directeurs d'école, aux locataires, de s'organiser pour imposer, par leur cohésion et leur réprobation active, le respect des codes tacites du respect d'autrui. [...] En somme, deux erreurs doivent être évitées. La première est la complaisance à l'égard des provocateurs, qui est le plus souvent l'antichambre de la récidive. La seconde est la propension à surestimer les interventions de l'Etat et à sous-évaluer les réponses de la société civile.

Les règles du savoir vivre sont des conquêtes de liberté."

 
Alain-Gérard SLAMA
Professeur à Sciences Po, essayiste, journaliste et historien des idées
dans l'émission "La contre-pointe" sur France Culture


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