samedi 2 novembre 2013

Nos cheveux blanchiront avec nos yeux

Le titre à lui seul est un véritable poême pour ce livre lu en une petite matinée.
 
D'abord déroutée par le style et la construction du livre, j'ai ensuite été vite séduite par sa poésie et l'atmosphère qui s'en dégageait.
 
Au final, il s'agit plus pour moi d'un recueil de poêmes que d'un roman mais il m'a transportée par la beauté de ses textes.
 
L'histoire : Walther ne sait pas véritablement où est sa place en ce monde et il décide un jour de partir l'arpenter pour savoir qui il est et où il va, où il est vraiment chez lui. Il quitte ainsi sa femme qui le laissera partir sans rien dire. Au gré de son périple, il va croiser des gens qui le toucheront, et même un oiseau qu'il finira par apprivoiser. Il finit pas retourner chez lui retrouver sa femme enceinte. Dans la deuxième partie du livre, le narrateur nous fait partager, en de courts paragraphes tous titrés, son quotidien auprès de sa femme et son fils, son amour pour la nature et pour les petits bonheurs qui font l'essence de la vie...
 
Extraits qui m'ont touchée :
 
"Je n'ai pas peur
Les jours qui passent ont une couleur particulière, les prémices sont pleines et silencieuses. Quelque chose se fomente. Je m'y précipite calmement. Avec la confiance farouche des bêtes qui se font trahir. Avec mon amour effrayé. Avec ma méfiance de ciel gris qui sait qu'on finit par nous reprendre tout ce que l'on nous a offert. Je la prends au défi, cette vicieuse. Donne-moi les aurores et les nuits. Donne-moi les courses sauvages, les tartes aux prunes, les histoires qui s'inventent. Donne-moi l'eau et les cris sous les orages. Donne-moi la musique de ce qui nous revient. Je n'ai pas peur d'ouvrir les bras."
 
"Les matins qui m'éloignent de toi sont des nuits
Il y a des heures sans fond, des journées blanches, perdues, à vivre loin de toi. Chaque jour de la semaine, la buée sur les vitres de ta voiture et ta main qui s'en va. L'odeur de ton écharpe et de ton rouge à lèvres. Des kilomètres de lumière qui nous éloignent. Le bruit rouge du réveil. Le temps qui manque, ce précipice. Et d'autres fois plus rien qui avance. L'impression persistante d'habiter dans une faille. Le soir, casser des brindilles, souffler sur des braises et recoller nos morceaux."
 
"... Il y a ce sentiment d'enfance des fins de dimanche qui ne devraient jamais devenir des lundis."
 
"Dernier dimanche
Le gris uni d'un ciel de pluie. Les Variations Goldberg. Le cri rouillé d'un train au loin. Le matin qui hésite. La carcasse des cendriers pleins. Les troncs brûlés des derniers incendies. Beaucoup de thé et les poèmes d'Antoine Emaz. Dernier dimanche d'août. Ce gris tiède des derniers dimanches on l'a appris en enfance. C'est une des choses qui ne changent pas."
 
".... Tout le monde dormait sauf lui et moi. Le petit avait faim. J'aurais voulu lui peler le soleil naissant comme un fruit bien juteux. Lui faire goûter la crème épaisse du nouveau ciel. Nous avons joué ensemble, tous les deux, juste avant le jour. Ceux que nous aimons sont en paix. Nous avons le monde à manger."


Un livre sublime de Thomas Vinau...


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