dimanche 10 février 2013

Belles phrases # 1

Extrait de l'entretien de François Busnel avec Christian Bobin :

F.B. : Comment écrivez-vous ?

C.B. : Je vais faire un léger détour pour vous répondre. Je pense que l'écriture est un travail de guérison. Elle a à voir avec quelque chose qui relève de la guérison. Pas uniquement ma propre guérison mais une guérison de la vie. De la vie souffrante. De la vie mise à mal par les conditions modernes. Etrangement, pour guérir il faut d'abord rentre malade. Rendre malade d'émotions, rendre malade de beauté, vous voyez ? Mon travail, si j'en ai un, est de transmettre une émotion qui m'est venue. De faire en sorte que cette émotion soit contagieuse. Je suis donc toujours dans une sorte d'"attention flottante", comme disent les psychanalystes, c'est-à-dire une attention légère et soutenue aux choses, aux gens. Et puis quand quelque chose d'exceptionnel arrive, je le recueille.

F.B. : Quel est ce "quelque chose d'exceptionnel" ?

C.B. : L'exceptionnel ? C'est l'ordinaire. C'est un visage. C'est une marguerite dans un pré. C'est une parole inouïe entendue quelque part.

Extraits du livre "L'homme-joie" de Christian Bobin :

"Qu'est-ce que tu as ?
Rien, je viens de finir la lecture de Typhon de Conrad. J'ai mis trois jours et trois nuits à le lire.
C'est bien ?
Je ne sais pas répondre à ta question. Un livre est voyant ou il n'est rien. Son travail est d'allumer la lumière dans les palais de nos cerveaux déserts. L'écriture en sait plus long que la mort, et de ça, je suis sûr. J'ai payé pour le savoir : trois jours, trois nuits."
.......
"J'ai lu plus de livres qu'un alcoolique boit de bouteilles. Je ne peux m'éloigner d'eux plus d'un jour. Leurs lenteurs ont des manières de guérisseur. J'ai passé des étés dans leurs chapelles fraîches, taillées dans la falaise crayeuse d'un beau silence. Le poète qui a repeint les appartements du paradis et de l'enfer, je sors ses livres du buffet où ils prennent une teinte d'icône. J'ouvre "La vie nouvelle" au hasard et délivre deux enfants dont j'époussette le costume avant de les laisser courir dans la lumière.
Dante descend aux enfers comme on descend à la cave chercher une bonne bouteille. Je l'accompagne, traverse à ses côtés un lieu où des tombes brûlent, quand j'entends des appels au fond du jardin."

1 commentaire: